Le Giro 2025 a offert un spectacle captivant avec l’affrontement de deux coureurs aux profils contrastés : Richard Carapaz, vétéran chevronné, et Isaac Del Toro, jeune prodige mexicain. Leur duel incarne la confrontation entre l’expérience acquise au fil des années et l’enthousiasme de la jeunesse, illustrant comment ces deux approches peuvent se compléter ou se heurter dans une course aussi exigeante. Cet article examine leurs parcours, leurs performances au cours de la Grande Boucle italienne, ainsi que les points forts et les défis auxquels chacun a été confronté, sans omettre un regard sur la manière dont ces deux cyclistes ont influencé la dynamique générale du Giro.
Contexte et profils des coureurs
Richard Carapaz (31 ans, équipe EF Education–EasyPost) :
Issu d’Équateur, Carapaz s’est rapidement imposé parmi les meilleurs grimpeurs du peloton mondial. Vainqueur du Giro 2019 et médaillé d’or olympique, il possède une vaste expérience en Grand Tour. Chez lui, la gestion des efforts sur trois semaines, la lecture de la course et la capacité à se relever après les difficultés sont presque devenues des automatismes. Il est reconnu pour sa capacité à attaquer dans les cols difficiles ou à patienter au sein d’un groupe pour placer une contre-attaque au moment opportun. Avant le départ du Giro 2025, l’objectif affiché était clair : récupérer le maillot rose et ajouter un nouveau succès à son palmarès.
Isaac Del Toro (21 ans, équipe UAE Team Emirates) :
Originaire du Mexique, Del Toro a émergé sur la scène internationale en décrochant la victoire du Tour de l’Avenir 2023. Très jeune, il a démontré une aisance étonnante en haute montagne et une aptitude certaine pour les étapes accidentées. Engagé par l’équipe WorldTour en 2024, il participe à son premier Giro 2025. Malgré son inexperience en Grand Tour, il affiche déjà une grande maturité dans ses choix de route et une volonté farouche de se mesurer aux meilleurs. Son style est caractérisé par des attaques franches, un sens aigu de l’opportunité et une capacité de récupération inhabituelle pour son âge.
Parcours détaillés au Giro 2025
Le Giro 2025 comportait trois semaines d’étapes diversifiées : des étapes de plaine propices aux sprinteurs, des étapes vallonnées, des chronos individuels et plusieurs étapes de haute montagne avec des cols emblématiques. Les deux coureurs avaient des objectifs différents : Carapaz aspirait à être dans la lutte pour le classement général, tandis que Del Toro visait d’abord à se faire remarquer, décrocher un maillot distinctif (meilleur jeune) et, pourquoi pas, glaner une victoire d’étape.
Premières étapes et mise en jambe
Durant la première semaine, composée d’étapes relativement roulantes et d’un contre-la-montre par équipes, les deux coureurs ont adopté une stratégie prudente. Carapaz s’est efforcé de préserver ses forces, évitant toute dépense inutile, tout en restant à portée de roue des favoris. Del Toro, bien que moins expérimenté, a suivi un plan similaire : rester à l’abri des chutes, limiter les pertes dans les sprints massifs, et soigner son placement dans le peloton.
- Étapes 1 à 5 (plaine et contre-la-montre par équipes) :
- Carapaz termine dans le peloton principal, sans perdre de temps significatif.
- Del Toro, pour sa part, se maintient également dans le peloton, profitant du travail de son équipe pour éviter les casse-groupes.
- Carapaz termine dans le peloton principal, sans perdre de temps significatif.
Ces premières journées ont été l’occasion pour chaque coureur d’observer les réactions de ses rivaux, d’analyser la forme des équipes adverses et de commencer à se faire une idée de la condition physique générale du peloton.
Montées en puissance en deuxième semaine
Dès l’arrivée de la deuxième semaine, l’allure s’est accentuée avec l’arrivée des premiers cols d’altitude. Les étapes majeures de cette semaine comportaient plusieurs ascensions de première catégorie, dont le col du Stelvio et le Passo Giau.
- Étape de haute montagne (Stelvio, 9e étape) :
- Del Toro se distingue en attaquant dans les derniers kilomètres, parvenant à décrocher le groupe des favoris. Grâce à cette performance, il endosse brièvement le maillot rose.
- Carapaz se montre attentif : il ne prend pas tous les risques, mais revient sur Del Toro dans la montée finale, limitant les écarts à moins d’une minute.
- Del Toro se distingue en attaquant dans les derniers kilomètres, parvenant à décrocher le groupe des favoris. Grâce à cette performance, il endosse brièvement le maillot rose.
- Étape vallonnée (Passo Giau, 11e étape) :
- Carapaz remporte cette étape en jouant sur son expérience pour placer une attaque décisive à environ 3 km de l’arrivée. Grâce à ce succès, il revient au contact du podium.
- Del Toro termine dans le premier groupe des favoris, conservant un avantage confortable au classement général, mais concède quelques secondes sur Carapaz, qui prouve ainsi qu’il n’a pas dit son dernier mot.
- Carapaz remporte cette étape en jouant sur son expérience pour placer une attaque décisive à environ 3 km de l’arrivée. Grâce à ce succès, il revient au contact du podium.
Cet ensemble d’étapes a donc mis en évidence, selon une analyse d’info 07, la complémentarité des deux styles : l’ambition offensif de Del Toro et la capacité tactique de Carapaz à gérer ses efforts lorsqu’il le faut.
Troisième semaine et étapes décisives
La troisième semaine a marqué un tournant majeur. L’étape 17, avec plusieurs cols difficiles et une arrivée au sommet, a été l’occasion pour Del Toro d’asseoir sa domination. L’attaque du jeune Mexicain sur les pentes du col a surpris un peloton encore en réflexion : il a creusé un écart d’environ 45 secondes sur Carapaz, consolidant son maillot rose pour la troisième semaine consécutive.
- Étape 17 (haute montagne) :
- Del Toro remporte l’étape au sommet après une attaque à 5 km de la ligne, démontrant une puissance et une fraîcheur physique remarquables.
- Carapaz limite la casse en étant pris dans des moments de flottement dans le peloton, mais il parvient à ne pas perdre plus d’une minute, évitant ainsi tout coup d’arrêt dans sa course au podium.
- Del Toro remporte l’étape au sommet après une attaque à 5 km de la ligne, démontrant une puissance et une fraîcheur physique remarquables.
L’étape 20, avec l’ascension du Colle delle Finestre, a constitué le point d’orgue du Giro 2025. Sur ces pentes légendaires, la fatigue accumulée s’est fait sentir chez tous les coureurs. Del Toro et Carapaz se sont relayés en tête, chacun cherchant à tester les forces de l’autre, mais aucun n’a lancé la moindre offensive franche. Cette prudence réciproque a permis au coureur britannique Simon Yates de profiter de la situation pour lancer une attaque surprise et s’emparer du maillot rose.
- Étape reine (Colle delle Finestre, 20e étape) :
- Les deux rivaux se neutralisent pendant plus de la moitié de l’étape, semblant subir l’usure plutôt que prendre l’initiative.
- L’avenir a démontré qu’une entente implicite entre deux coureurs peut parfois favoriser un troisième larron : Yates s’est détaché dans la partie finale, creusant un écart d’environ 3 min 45 s sur Carapaz et Del Toro, et s’assure ainsi la victoire finale du Giro 2025.
- Carapaz termine à moins de quatre minutes du vainqueur, confortant sa place sur le podium. Del Toro cède quelques secondes supplémentaires en fin de course, mais sauve sa place de deuxième au classement général.
- Les deux rivaux se neutralisent pendant plus de la moitié de l’étape, semblant subir l’usure plutôt que prendre l’initiative.
Tableaux de comparaison des performances
Voici deux tableaux récapitulatifs : l’un présente les grandes lignes des performances au classement général, l’autre compare les caractéristiques distinctives de chacun.
Critère | Richard Carapaz | Isaac Del Toro |
Âge | 31 ans | 21 ans |
Équipe | EF Education–EasyPost | UAE Team Emirates |
Classement général final | 3ᵉ | 2ᵉ |
Victoires d’étape | 1 (étape 11) | 1 (étape 17) |
Jours en maillot rose | 0 | 11 |
Classement du meilleur jeune | Non éligible | Vainqueur |
Aspect | Points forts de Carapaz | Points forts de Del Toro |
Expérience | Grand nombre de Grands Tours | Première participation, fraîcheur mentale |
Gestion de course | Lecture de la course, patience | Attaques spontanées, audace |
Résistance (endurance) | Grande capacité sur longues distances | Impressionnante fraîcheur malgré la fatigue |
Réactivité tactique | Capacité à contre-attaquer au bon moment | Prise d’initiative précoce |
Points à améliorer | Tendance à la prudence excessive | Parfois manque de recul et de gestion d’efforts |
Potentiel futur | Capable de revenir et de surprendre | Jeune talent en pleine progression |
Analyse détaillée des qualités et des limites
Richard Carapaz
L’expérience de Carapaz s’est avérée précieuse dans les moments clés : il a su doser ses efforts pour récupérer entre les étapes et éviter les dépenses inutiles au cours des étapes moins déterminantes. Sa connaissance des rythmes du peloton et sa faculté à anticiper les mouvements des adversaires lui ont permis de rester constamment dans la course au podium. Toutefois, cette même expérience l’a parfois conduit à adopter une posture trop défensive, en hésitant à répondre immédiatement aux attaques de ses rivaux, or ce manque de réactivité a permis à certains coureurs, dont Yates, de s’échapper.
Isaac Del Toro
À 21 ans, Del Toro a affiché une confiance remarquable : au lieu de subir le Giro, il a cherché à le dominer, notamment en prenant le maillot rose dès l’étape 9. Sa fraîcheur physique lui a permis de relancer l’allure dans les moments où le peloton semblait se détendre. Cependant, cette fougue a un revers : lorsqu’il a fallu gérer l’effort sur trois semaines, il a parfois pêché par excès d’optimisme, notamment dans l’étape reine du Colle delle Finestre, en conservant un train trop élevé alors qu’il subissait la fatigue accumulée.
Stratégie de course
Sur les routes vallonnées, Carapaz s’est appuyé sur son équipe pour se protéger dans le peloton, économisant ainsi son énergie avant les grandes étapes de montagne. Il a placé son attaque la plus décisive dans la deuxième semaine, lorsque la forme des adversaires était moins homogène. Il a en revanche manqué d’audace lors de l’étape 20 : en ne passant pas à l’offensive, il a perdu l’occasion de déstabiliser Del Toro.
Del Toro, aidé par une équipe déterminée à le soutenir dans son maillot rose, a constamment cherché à faire la différence dans les ascensions, profitant du fait que peu d’adversaires le percevaient comme un concurrent direct. Sa stratégie d’attaque précoce l’a mis en posture de force, mais l’a parfois conduit à griller trop d’énergie, surtout lorsque la troisième semaine s’est avérée plus exigeante que prévu.
Gestion psychologique et pression
La jeunesse peut parfois être synonyme de moins de pression : Del Toro avait le statut de « jeune espoir » plutôt que celui de favori, ce qui lui a permis d’aborder le Giro sans le poids de l’obligation de victoire. Cela lui a conféré une forme de liberté dans ses choix. Carapaz, en revanche, était attendu au tournant : ancien vainqueur et membre d’une équipe avec des ambitions élevées, il a dû gérer un stress accru, notamment lors des moments critiques où le maillot rose semblait à portée de main.