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11 décembre 2015 | Règlementation et mobilité
Observatoire A&A : Règlementation et Sécurité Routière
Le projet de loi santé prévoit d'interdire de fumer dans une voiture en présence d'un mineur, sous peine d'une amende du même montant que celle qui frappe les fumeurs dans un lieu public, soit 68 euro. Juridiquement, le rapprochement avec l'interdiction de fumer dans un lieu public est très hasardeux. Car la voiture, même si elle est destinée à évoluer dans l'espace public, est bien un lieu privé.
La loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public, a défini ainsi l'espace public : celui-ci "est constitué des voies publiques ainsi que des lieux ouverts au public ou affectés à un service public".
Selon la circulaire du 2 mars 2011, qui précise la notion d'espace public, "à l'exception de ceux affectés aux transports en commun, les véhicules qui empruntent les voies publiques sont considérés comme des lieux privés". Le comportement des occupants du véhicule relève donc de leur vie privée.
Cependant, la voiture est certes un lieu privé, mais il a vocation à évoluer dans l'espace public.
La circulaire fixe donc une limite au principe de liberté : la dissimulation du visage "peut en revanche tomber sous le coup des dispositions du code de la route prévoyant que la conduite du véhicule ne doit pas présenter de risque pour la sécurité publique".
En effet, le code de la route énonce que le conducteur "doit se tenir constamment en état et en position d'exécuter commodément et sans délai toutes les manœuvres qui lui incombent".
Les agents des forces de l'ordre ont le pouvoir de vérifier que les conducteurs respectent cette injonction : si la puissance publique s'immisce dans la voiture, c'est pour préserver la sécurité des usagers des voies publiques.
Mais l'intrusion de la puissance publique pour faire respecter l'interdiction de fumer en présence de mineurs de moins de douze ans, a une fin uniquement sanitaire, n'a aucun rapport avec la protection des autres usagers de la route.
Cette interdiction constitue bel et bien une atteinte à la vie privée par la puissance publique juridiquement injustifiée.
Il eût été possible d'interdire purement et simplement de fumer au volant, en expliquant que ce geste empêchait la conduite parfaitement sûre du véhicule.
Car le code de la route permet cette limitation, en énonçant : "Les possibilités de mouvement (du conducteur) ne doivent pas être réduits par (..) les objets transportés", ce qu'est une cigarette. Rappelons qu'avant la création d'une interdiction spécifique par un décret de 2003, c'est sur ce fondement que l'usage des téléphones portables étaient interdits au volant.
Le législateur aurait pu utiliser ce texte pour interdire la cigarette au volant.
Mais l'interdiction de fumer au volant aurait alors été générale et se serait appliquée même en l'absence de passagers mineurs de moins de douze ans. Et l'interdiction ne se serait imposée qu'au conducteur : les passagers, eux, auraient pu continuer à fumer, même en présence d'enfants mineurs de moins de douze ans…
Par Maître Matthieu Lesage, avocat en droit routier, veille juridique et réglementaire au sein d'Automobilité & Avenir